défi 57
"La femme au chameau."
Le chameau était lancé.
Dans la nuit éclatante du désert, une femme mystérieusement voilée de blanc, duquel ressortaient uniquement de doux yeux noirs aux cils démesurés trônait. Aux flancs de l'animal battaient de nombreux ballots de peau, clapotant doucement au gré du vent. C'était la marabout d'un village touareg, qui se rendait à une cinquantaine de kilomètres. Un messager était venu la quérir, réclament aide et soin pour une fillette dont le mal inconnu semblait lui ôter la vie peu à peu. La femme savait de quoi il s'agissait, elle avait déjà soigné des patients, parfois sans succès. La personne se laissait mourir, refusant de s'alimenter, parfois de boire, ainsi que de se laver, se terrant dans sa hutte.
Elle arriva au couchant aux premières habitations. Les enfants, la reconnaissant, s'agglutinèrent autour de l'animal. La chamane distribua un sourire, une caresse, un mot à ces petits épris de grand air et d'amour. Elle se dirigea instinctivement vers la zeriba la plus grande, une des rares du village, faite de pierres et de feuilles de palmier. Elle poussa un soupir de soulagement en quittant le dos du chameau, étirant ces longues jambes. Puis elle pénétra par la petite entrée, l'odeur lui sautant au narines soudainement. Une petite fille de onze ans était allongée sous une épaisse fourrure, malgré la chaleur écrasante. Elle s'approcha sans bruit, saluant la mère d'un hochement de tête. Repoussant doucement la couverture, elle ausculta rapidement l'enfant, lui confirmant ce qu'elle savait déjà : physiquement l'enfant semblait aller très bien. En interrogeant la mère, elle apprit que la petite était depuis trois lunes dans cet état, ne se levant que pour aller uriner et déféquer, quand elle ne s'oubliait pas. La femme fit sortir les curieux qui s'étaient rassemblés autour d'elle, restant seule avec la fillette. Une discussion pénible s'ensuivit durant deux longues heures. Puis elle resta couchée dans la hutte, utilisant des signaux magiques au-dessus de la tête de l'enfant, à chaque fois que celle ci passait d'une phase de sommeil à l'autre.
A l'aube, éreintée, elle sortit boire une infusion de menthe pour se rincer la bouche et le corps. La mère qui avait dormi chez sa soeur s'approcha d'elle avec espoir, quémandant des réponses. La femme n'ouvrit pas la bouche tant que toute la tribu ne fut pas rassemblée, formant un cercle. Alors elle ouvrit la bouche :
« La fille se meurt car elle a en elle l'enfant du péché, sachant que l'opprobre sera sur elle et que tous se détourneront d'elle. Mais c'est aussi l'enfant de Dieu. Mariez-la au père et acceptez cette union déjà bénie. »
Et elle reparti sur ces mots avec son animal. Derrière elle...
Le hameau était glacé.