Pour Suzâme...
Sous la pluie battante, on t'oublie, l'hiver passe, si tu pouvais pleurer... Tu te tiens, droit, fier et silencieux. Ton visage est figé en une éternelle grimace de douleur. Tu fais peur, on frissonne lorsque l'on croise ton regard. Cantonné à ton rôle, tu ne te débats plus contre ton destin. Tu as une belle mission pourtant, celle de protéger.
Au printemps, on se rappelle de ta présence, on soigne tes plaies, te préparant, te bichonnant. En quelques semaines te voilà entouré d'odorantes fleurs qui ravivent ton vieux coeur. Mais tu sembles méchant, les oiseaux te fuient, laissant désormais planer le seul bourdonnement des abeilles, nullement troublée par tes yeux noirs.
Chaleur brûlante, tu meurs de soif en été, mais vaillant, tu continues à ne pas faillir à ton devoir. Grâce à toi, les petits pourront croquer dans des fraises non mitées! Stoïque, tu encaisses les rayons mortels de l'astre lumineux.
Les feuilles rousses te recouvrent doucement. Automne. La famille qui t'accueille a mis tout son coeur à choisir les vêtements dont tu es affublé, mais avec le temps, elle te laisse dépérir... Les ingrats! Peut-être pourrait-on gribouiller un sourire au pinceau sur ton faciès décoloré par le temps? Les enfants qui croiseraient ta route viendrait ainsi serrer ta main rugueuse, inventant mille jeux dont tu serais le compagnon!
Et au prochain hiver, tout recommencera pour toi, petit épouvantail...